« Une maison comme la nôtre est une maison de patrimoine. On peut dire qu’on a façonné le gout sucré de la Lorraine entière. »
Pourquoi avoir choisi ce métier de confiseur ? Qu’est ce qui vous a séduit ?
A l’origine je n’étais appelé à faire ça mais je voulais pouvoir garder une indépendance et j’étais fasciné par les métiers manuels qui associent les 5 sens. Je trouve que c’est l’un des rares métiers, où tous les sens d’un individu sont mobilisés. Il faut un goût, un odorat, un toucher… De plus, faire perdurer par exemple des techniques qui remontent à la Renaissance et au Moyen-âge, c’est extraordinaire et une vraie passion pour moi.
Comment ces gestes vous ont été transmis ?
J’avais une formation d’ingénieur, mais j’ai appris ces gestes sur le tas, par le regard en regardant mes ainés travailler. J’ai toujours aimé travailler de mes mains et je trouve que c’est agréable. J’ai eu de la chance, quand je suis arrivé ici, de rencontrer des gens qui connaissaient merveilleusement leur métier, qui avaient eux aussi des sens, des gouts, des touchers hors normes, m’ont transmis ce qu’ils avaient appris. L’origine de cette Maison remonte quand même à 1850, ont eu cette chance extraordinaire qu’aucun geste ne soit perdu et qu’ils aient été constamment retransmis.
Combien de temps pour acquérir le tour de main pour le bonbon Duchesse ?
On croit que ce sont des gestes faciles mais c’est d’une complexité énorme parce qu’il faut le débit, la régularité et la finesse. Quand j’enrobe, ce sont des produits sans bulle et donc c’est un art. Je pense qu’il faut 2 ou 3 ans pour arriver à une certaine régularité. Et comme ce sont des choses qu’on ne peut pas tremper à la machine, il faut acquérir une certaine vélocité, car il faut débiter. On fabrique également nos outils. On a tous des mécanismes dans la main et des doigts qui nous sont propres et il faut que tout ça soit en harmonie.
Bergamote : La Bergamote, on en apprend tous les jours. C’est en lisant des livres du début du XXème siècle qu’un dimanche, que je me suis rendu compte que parfois on travaillait à l’envers par exemple. On pense que c’est un produit d’une très grande facilité mais il va dépendre de la température, de l’hydrométrie et de la régularité du process. C’est à l’œil, au toucher, c’est à mon avis du très grand art. C’est quelque chose qu’on apprend tout le temps.
Bonbon craqueline : C’est exactement la même chose que précédemment en plus de la difficulté de travailler sur un sucre cuit. Si vous n’allez pas assez vite, votre sucre va masser et vous n’avancerez pas et si vous n’êtes pas régulier, vous allez faire des gros pâtés. Il faut que ce soit de la finesse, de la dextérité et de la vitesse pour pouvoir là aussi débiter.
Chardon Lorrain : C’est également pareil que pour la bergamote ou le bonbon craqueline. Là c’est du grand art avec la coulée à l’amidon. Si vous tardez de trop, vous allez avoir un mélange d’eau, d’alcool, de sucre qui va prendre en masse et vous ne pourrez même pas l’utiliser. Il faut aller très vite de sorte à utiliser tout le mélange liquide en une fois. On coule le vendredi et on peut les utiliser le lundi ou mardi. Notre ami c’est le temps et notre ennemi c’est le temps.